Histoire de calcules

Un et un font je ne sais combien,
car je ne calcule pas,
je suis souvent comme cela,
et je trouve que c’est bien.

Deux plus deux, ce n’est rien pour moi,
je n’ai jamais essayé de compter ces chiffres-là,
pour moi ça ne sert à rien, en plus je ne m’y connais pas,
je suis de formation littéraire et je ne compte pas.

Les calcules sont pour les gens fous qui aiment l’argent,
les calcules c’est pour votre commerce et vous,
les calcules font de misérables gens dépendants du pognon,
les calcules sont comme vous, des cercles et rotations perdus.

Et moi, dans le vide je cours et je chante avec les mots,
même sans roues, j’ai deux pieds bien tendus qui marchent lentement,
j’essaye de souffler pour aider le vent à m’emporter au pays de l’image,
j’aime visiter les lieux, et connaître les personnes à l’aide des mots.
Je souffre, ma souffrance vient des calcules,

elle provient de l’anarchique gestion
murmurant des versets en échardes,
pirouettant le mal des pendules, et la captivité de la rime.

Nadir Haddadou, Fragements d’errances

« Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d’un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l’essentiel. Elles ne vous disent jamais : « Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu’il préfère ? Est-ce qu’il collectionne les papillons ? » Elles vous demandent : « Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ? » Alors seulement elles croient le connaître. »

Antoine de Saint-Exupéry, Le petit prince